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La République française discrimine les personnes trans-identitaires
L’état-civil : un outil essentiel, en France, pour le contrôle des citoyens
Le problème le plus important rencontré par les personnes trans-identitaires est le refus de l’État français de reconnaître l’identité de genre qu’elles revendiquent et assument dans tous les actes de la vie courante.
Les personnes trans-identitaires sont alors confrontées quotidiennement au décalage total entre leur apparence d’une part, leur identité sociale, leurs papiers d’identité et les divers documents qui en découlent de l’autre. En effet, il est impossible de modifier les mentions de sexe et le prénom sur les papiers que délivre l’État français sans changer l’état civil. Les administrations refusent même, contrairement à la règle appliquée à tous les autres citoyens français, d’enregistrer leur civilité de façon déclarative.
Les conditions actuelles pour changer son état civil
En France, il est obligatoire de fournir deux documents de référence pour obtenir ce changement. La jurisprudence sur laquelle les tribunaux s’appuient est l’arrêt de la Cour de Cassation pris en chambre plénière en 1992.
Tout d’abord, la personne doit prouver qu’elle est atteinte de transsexualisme par le biais de certificats médicaux psychiatriques. Si la personne se dit atteinte de transsexualisme, ce n’est pas un problème (même si les conditions concrètes faites aux personnes concernées sont souvent odieuses). Mais, pour une personne transgenre, ce n’est pas possible à moins de simuler le transsexualisme, d’obtenir ainsi un faux certificat, et donc de mentir à la justice de son pays.
Ensuite, il faut apporter la preuve de sa stérilisation définitive, par l’intermédiaire d’un certificat chirurgical ou lors d’une expertise génitale financièrement à la charge de la personne requérante. La preuve en est fournie par deux jugements rendus en 2009 par le Tribunal de Grande Instance de Nancy, ceux de Stéphanie Nicot et de Delphine Ravisé-Giard.
Dans les faits, les tribunaux demandent « seulement » une hystérectomie et une ablation des ovaires pour les hommes trans-identitaires et une ablation totale des organes génitaux et reproducteurs pour les femmes trans-identitaires. Une différence de traitement entre les sexes, pour une même demande de changement d’état civil, est ainsi établie juridiquement : un homme trans-identitaire peut conserver son vagin et son clitoris lors d’un changement d’état civil tandis qu’une femme trans-identitaire doit être castrée pour obtenir ce même changement.
Cette différence de traitement, au détriment des femmes trans-identitaires, est contraire au préambule de la Constitution française de 1946 :
« La Constitution – préambule à la Constitution de 1946
1. Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
2. Il proclame, en outre, comme particulièrement nécessaires à notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux ci-après :
3. La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme.
… »
Les personnes trans-identitaires, et en particulier les personnes transgenres, dont la préoccupation essentielle est de parvenir à une bonne insertion sociale, ne sont pas forcément opérées ou, opérées, ne veulent pas en parler en considérant, à juste titre, que cela relève strictement de leur vie privée. Pourquoi les priver de l’accès au changement d’état civil ?
Il est actuellement impossible pour les personnes trans-identitaires de faire modifier les mentions de sexe et de prénom de leur état civil sans être passées par une stérilisation chirurgicale définitive pour transsexualisme et en apporter la preuve au tribunal, comme le prouvent les attendus des jugements précités.
La République ne respecte pas les droits fondamentaux des personnes trans-identitaires.
Maintenant, énumérons les atteintes aux droits de personnes trans-identitaires, avec les conséquences concrètes dans leur vie quotidienne. Ces atteintes sont évidemment connues par l’État français et délibérément mises en place pour éradiquer socialement cette population, sans se préoccuper des souffrances sociales et humaines induites, allant jusqu’au suicide parfois
Le droit de vote n’est plus garanti. Si vous arrivez à faire changer vos justificatifs de domicile, afin qu’ils soient conformes à votre identité sociale et protègent ainsi votre vie privée (conformément à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme), et que vous les présentez avec votre carte d’identité ou votre passeport pour vous inscrire sur une liste électorale, votre demande sera refusée au nom du code électoral !
En ce qui concerne vos moyens de paiement, les banques ne sont pas obligées d’accepter de changer vos coordonnées bancaires. Ainsi les non concordance entre apparence sociale et intitulés de paiement peuvent poser des problèmes lors de règlements par chèque bancaire. Dans de telles conditions, il sera difficile de contracter des emprunts et autres crédits à la consommation, sans parler d’achats de biens immobiliers. Ce hiatus révèlera en permanence votre trans-identité.
En ce qui concerne la location d’un logement, il est difficile de contracter un bail. Concrètement, comment justifier son identité, avec des fiches de paye, des avis d’imposition, des RIB et des papiers d’identité ne correspondant pas à l’identité sociale et donc à l’apparence de la personne ? C’est nous exposer délibérément au refus et à la discrimination.
En ce qui concerne la recherche d’un travail, le Pôle Emploi refuse systématiquement de nous enregistrer sous notre identité de genre lorsqu’elle est différente de celle qui est mentionnée sur notre carte d’identité. Cela mène fréquemment à des situations de chômage dans le secteur privé.
En ce qui concerne le maintien dans l’emploi, il est parfois difficile de faire admettre la situation aux employeurs privés. Sans obligation de respecter l’identité de genre, la situation bascule parfois dans le harcèlement moral : en obligeant le salarié à conserver des documents (cartes de visite, badges, adresse mail, papier à en-tête, etc.) devenus sans rapport avec la nouvelle apparence de la personne, le chef d’entreprise rend la situation professionnelle intenable afin de pousser les salariés à la démission.
En ce qui concerne la fonction publique, les salariés transgenres subissent une mise à l’écart professionnelle et un harcèlement moral permanent. L’État refuse toute modification concernant les prénom et civilité sur tous les documents administratifs ; il peut ainsi, en adressant des courriers au domicile des fonctionnaires ou en communiquant leur identité administrative aux organisations syndicales à l’occasion des élections professionnelles, les exposer délibérément à la violation de leur vie privée.
Sans changement d’état civil, il est impossible de changer son numéro de sécurité sociale. Cela expose la personne à un non-respect de sa vie privée dans la sphère médicale. Parfois, les médecins refusent de vous prendre en charge (à Toul, par exemple, les trois gynécologues opposent un refus de soin aux femmes transgenres, obligées de se rendre à Nancy…) et des discriminations dans la recherche d’un emploi. Dans notre activité professionnelle, il nous est souvent impossible de faire respecter notre vie privée.
Enfin, nos déplacements sont limités car notre passeport dévoile notre trans-identité et nous expose là encore à des discriminations, voir à des interdictions d’entrée dans certains pays, sans parler des risques physiques.
Dans toutes les situations de la vie quotidienne, nos droits fondamentaux ne sont pas respectés. Les plus défavorisés sont donc condamnés au chômage, aux aides sociales voir à la prostitution, surtout chez les jeunes rejetés par leur famille
Pour éviter cela, certaines personnes Trans se résignent aux « parcours de soins » dégradants mis en place par le ministère de la santé, stérilisation chimique puis chirurgicale au bout d’un minimum de 4 années sans papiers. Elles finissent très souvent désocialisées ou, au mieux, déqualifiées. Après ça, la personne n’a plus la force de faire respecter sa dignité et ne demande plus qu’une seule chose : qu’on l’oublie et qu’elle se fonde dans la masse.
La réalité est, au vu de ces violations répétées des droits de l’homme, tout autre que celle, idyllique, décrite par le Ministère de la Santé et le Ministère de la Justice (Cf. Annexe : déclarations de la Ministre de la Santé Roselyne Bachelot-Narquin du 18 septembre 2009).
Pathologisation, stérilisation, refus de prendre en compte la réalité de la population trans-identitaire, restent malheureusement la position de l’État français, au mépris des valeurs républicaines, de tolérance et d’égalité entre tous les citoyens et citoyennes.