Haute Autorité de Santé : 4 ans d'étude et…
Des projets très inquiétants !
En préambule, et en tant que première association transgenre en France, nous n'exprimons que le point de vue des personnes transgenres1.
Pour nous, il est fondamental que la liberté de vivre notre genre soit respectée. Cela ne relève que de la volonté d'affirmer en toute liberté son identité et ses choix de vie.
Or, l'essentiel des problèmes que rencontrent les personnes transgenres sont créés par l'État français qui tente de nous imposer un statut de sous-citoyenneté... La clé de voûte de ce système discriminatoire, c'est la question du changement d'identité, aujourd'hui refusé aux personnes transgenres 2 et que nous voulons libre et gratuit !
Les personnes transgenres sont discriminées dans tous les domaines : multiples discriminations à l'emploi, non respect de la vie privée, et parfois même perte du droit de vote3. Les discriminations touchent aussi le droit à la santé, l'État français faisant tout ce qu'il peut pour organiser un système de santé spécifique et l'imposer pour des raisons purement idéologiques aux personnes transgenres.
Ces méthodes ont déjà été mises en place en Belgique et en Espagne. Pour l'instant, en France, même si de nombreuses pratiques odieuses ont toujours cours, ce projet n'a pas abouti.
Bien que notre difficulté principale soit l'impossibilité d'obtenir des papiers d'identité correspondant à notre identité de genre sur simple demande, il est indispensable pour nous d'éviter d'être inclus d'office dans des pseudos « protocoles de soins », attentatoires à nos libertés.
Des projets très inquiétants pour nos libertés !
Le vendredi 29 août 2008, Trans Aide a participé à une réunion de travail, à l'invitation4 de la HAS (Haute Autorité de Santé). Notre association a accepté car nous sommes d'accord pour ouvrir un dialogue lorsqu'on nous le propose. Nous réclamons d'ailleurs l'ouverture rapide de négociations au plus haut niveau concernant les personnes transgenres.
Si quelques avancées mineures et de bons sens ont été proposées 5 par la HAS (tout particulièrement concernant les critères « d'élection » des personnes transsexuelles souhaitant bénéficier d'un protocole de soins sous l'autorité d'un médecin psychiatre qui assurera le suivi de leur transition), les propositions essentielles contenues dans leur pré-rapport nous inquiètent fortement 6. En effet la HAS espère visiblement imposer son contrôle à une communauté transgenre mobilisée pour ses libertés ! Parler de la nécessité d'une « prise en charge très spécifique » de notre santé est en soi une discrimination inacceptable. Il est temps que la HAS prenne en compte que les personnes transgenres sont des personnes en bonne santé ! C'est la politique discriminatoire de l'État français qui est la source de tous nos problèmes de vie quotidienne.
Nous voulons les mêmes droits que tou(te)s les autres citoyen(ne)s, ni plus, ni moins. Parler « d'autre pathologie » ou de « diagnostic différentiel », comme l'ont fait les représentants de la HAS, est une attitude inacceptable, voire scandaleuse, qui augure mal du dialogue que cette structure prétend engager avec nous...
Beaucoup plus grave, il y a la volonté affichée – centrale dans le rapport de la HAS – de mettre en place un réseau national de « Centres experts » qui auraient un agrément et une autorisation leur permettant de procéder à un tri…. Ce serait, si ce projet aboutissait, un recul sans précédent pour nos libertés.
Le seul vrai point positif, c'est l'étonnement, visiblement sincère, des responsables de la HAS face aux positions de Trans Aide et à l'affirmation, nouvelle pour eux, de la communauté transgenre. Les questions, qui ont fusé, se sont achevées par une interrogation, stupéfiante pour nous, mais révélatrice de l'incompréhension des représentants de la HAS :
« Mais alors, vous n'éprouvez pas de souffrance d'être transgenre ? »
Notre réponse a visiblement sidéré nos interlocuteurs... :
« la seule souffrance des personnes transgenres, c'est d'avoir dû dissimuler leur façon d'être par peur de la répression ! »
Il leur reste beaucoup à apprendre.
Nos interlocuteurs commencent donc à comprendre qu'ils sont désormais confrontés à un mouvement transgenre en plein essor, que Trans Aide 7 représente désormais. Notre présence a au moins eu ce mérite!
Il reste maintenant à organiser la mobilisation de la communauté transgenre et du mouvement LGBT – et, au-delà, de toutes les organisations attachées aux libertés démocratiques – pour faire échec à ce projet inacceptable... Et obtenir du gouvernement français qu'il mette fin à des simulacres de concertation pour ouvrir de véritables négociations avec la communauté transgenre.
Le 21 septembre 2008,
Le Conseil National de Trans Aide
1 Trans Aide est évidemment solidaire des personnes transsexuelles et exige que leur grande souffrance soit prise en compte dans des conditions respectant leur dignité et leurs droits humains.
2 Depuis 1992, par décision de la Cour de Cassation, le changement d'identité n'est possible en France, comme nous l'a confirmé dans un courrier du 24 janvier 2008 le substitut du procureur de la République de Nancy, qu'en cas de « syndrome du transsexualisme » et de « traitement médico-chirurgical subi dans un but thérapeutique »,.. C'est-à-dire… en cas de maladie mentale !
3 À Nancy, en 2007, une responsable de Trans Aide s'est ainsi vue refuser l'inscription sur les listes électorales au motif que ses papiers d'identité ne correspondaient pas à ses papiers de la vie courante, situation pourtant créée par l'État français lui-même !
4 La HAS refusait jusque-là d'inviter Trans Aide à ses réunions de travail, malgré nos demandes. Maintenant que nous sommes la 1 ère association du mouvement transgenre en France, il n'est plus possible de nous tenir à l'écart...
5Rappelons que la HAS fait des recommandations ; mais c'est en définitive le Ministère de la Santé et la CNAM qui décident.
6 Les groupes transsexuels, qui ont collaboré aux travaux de la HAS depuis 2004, en ont fait des comptes-rendus favorables, cautionnant ainsi les projets de protocoles obligatoires (même si maintenant ils semblent s'en mordre les doigts…). Raison de plus pour adhérer à Trans Aide, qui s'oppose et s'opposera à tout système discriminatoire !
7 Et quelques rares groupes régionaux.