Etat-civil et contrôle du citoyen

L’état-civil : un outil essentiel, en France, pour le contrôle des citoyens


Le problème le plus important rencontré par les personnes transgenres est le refus par l’État français de reconnaître l’identité de genre qu’elles revendiquent, assument et expriment dans tous les actes de la vie courante.

Les personnes transgenres sont ainsi confrontées quotidiennement au décalage total entre l’identité de genre exprimé, leur identité sociale, et de l’autre leurs papiers d’identité et autres documents qui en découlent. En effet, il est impossible de modifier les mentions de sexe et le prénom sur les papiers que délivre l’État français sans changer l’état-civil. Les administrations s’obstinent même à refuser, contrairement à la règle appliquée à tous les autres citoyens français, d’enregistrer la civilité des personnes transgenres de façon déclarative.

Graphique sur le changement d'état civil en Europe

Les conditions actuelles pour changer son état-civil

La jurisprudence de l’arrêt de la Cour de Cassation pris en chambre plénière en décembre 1992 et sur laquelle les tribunaux s’appuyaient est remplacée depuis novembre 2016 par une loi incluant dans le code civil une procédure de changement de la mention de sexe à l’état civil.

Le nouveau texte est malheureusement très loin d’être parfait, s’appuyant notamment sur la possession d’état et non sur l’autodétermination pourtant réclamée par l’ensemble des associations de défense des droits des personnes transgenres. La revendication de ces dernières était pourtant claire : le changement d’état civil libre et gratuit en mairie !

La loi récemment adoptée est en fait le résultat d’un gouvernement peureux et sans vision de l’avenir qui, avec le soutien et l’assentiment de certaines associations LGBT proches politiquement (Inter-LGBT, Homosexualité et socialisme – HES), avait pour but de se reposer sur une pseudo revendication demandant juste de faciliter la procédure de changement d’état-civil en écartant toute notion de genre… Et c’est ce qui s’est passé au détriment des personnes transgenres, de l’égalité des droits et de la lutte contre la transphobie… On remarquera que la France a aujourd’hui adopté le plus mauvais des textes parmi les pays européens qui ont changé leur législation !

La modification de la mention de sexe

Aujourd’hui, pour modifier la mention de sexe, il faut apporter un faisceau de preuves suffisant prouvant que le « sexe » revendiqué par la personne requérante ne correspond plus à celui de son état civil. La procédure reste judiciarisée puisque la décision se prend en Chambre du Conseil du TGI. Rien n’empêche, d’ailleurs, les personnes à fournir des preuves médicales aux juges pour « sécuriser leurs dossiers » et d’être assistée par un avocat. Si ce fait n’est pas illégal, par contre la demande explicite par des tribunaux de documents médicaux sort du cadre du nouveau texte de loi.

Décision du Défenseur des droits suite à une saisine de l’ANT

Code civil - Section 2 bis : De la modification de la mention du sexe à l'état-civil

La modification de la mention du prénom

Quand au changement de prénom, il peut se faire au préalable auprès de sa mairie de naissance ou la mairie de résidence. Là aussi il faut, pour la personne transgenre, apporter des preuves qui vont de l’usage prolongé du prénom jusqu’à des preuves de « transsexualisme ». La démédicalisation de la procédure n’est pas, ici non plus, au rendez-vous !modifier la mention de sexe

Code civil – Section 2 : Des changements de prénoms et de nom.

Pour un changement d'état civil libre et gratuit !

La nouvelle procédure de changement de la mention de sexe, comme celle du changement de prénom ne correspondent pas aux standards des droits humains appliqués aux personnes transgenres. Médicalisation, preuves multiples à fournir, stéréotypes de genre et stéréotypes corporels, non prise en compte des questions intersexes, durée des procédures, exclusion des mineurs transgenres, judiciarisation, tout est encore en place pour maintenir la transphobie d’État en France ! Le seul point positif à noter, c’est que l’obligation de stérilisation n’est plus exigée grâce à un jugement rendu par la Cour Européenne des droits de l’homme (CEDH) en 2016 condamnant la France.

Jugement de la Cour Européenne des Droits de l’Homme

Il nous faut donc continuer à réclamer clairement, avec force et sans concessions, une procédure des modification des mentions de prénom et de sexe à l’état-civil sur simple demande fondée sur l’autodétermination. Et seule une procédure de changement d’état civil libre et gratuite en mairie auprès d’un officier d’état civil, y compris pour les personnes mineures, apportera le socle indispensable afin d’établir un réel droit au respect de l’identité de genre des personnes .

Visuel pour le changement d'état-civil libre et gratuit

La République ne respecte toujours pas les droits des personnes transgenres.

Énumérons les atteintes aux droits de personnes transgenres, avec les conséquences concrètes dans leur vie quotidienne. Ces manquements sont évidemment connus par l’État français et délibérément mis en place pour éradiquer socialement cette population, sans se préoccuper bien sûr des difficultés sociales et humaines induites, allant jusqu’au suicide dans certains cas. Il faut savoir, même avec la nouvelle législation, qu’il faut toujours attendre plusieurs années pour changer entièrement son état civil à partir du moment ou l’on décide de s’assumer socialement !

Aussi avant changement de l’état civil de la personne :

Droit de vote

Le droit de vote n’est plus garanti. Si vous arrivez à faire changer vos justificatifs de domicile, afin qu’ils soient conformes à votre identité sociale et protègent ainsi votre vie privée (conformément à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme), et que vous les présentez avec votre carte d’identité ou votre passeport pour vous inscrire sur une liste électorale, votre demande sera refusée au nom du code électoral !

Moyens de paiement

En ce qui concerne vos moyens de paiement, les banques ne sont pas obligées d’accepter de changer vos coordonnées bancaires. Ainsi les non-concordances entre apparence sociale et intitulés de paiement peuvent poser des problèmes lors de règlements par chèque bancaire et lors d’envois de courriers administratifs. Dans de telles conditions, il sera aussi difficile de contracter des emprunts et autres crédits à la consommation, sans parler d’achats de biens immobiliers. Ce hiatus révélera en permanence votre transidentité.

Logement

Pour aborder la question de la location d’un logement, il est plus difficile de contracter un bail. Concrètement, comment justifier son identité, avec des fiches de paye, des avis d’imposition, des RIB et des papiers d’identité ne correspondant pas à l’identité sociale et donc à l’apparence de la personne ? C’est nous exposer délibérément au refus et à la discrimination.

Qu'en est-il des adolescents et jeunes majeurs qui sont obligés de quitter leurs familles car rejeté.e.s, devenant sans possibilité de trouver un logement pour les accueillir ?

Recherche d’un travail

Quand à la recherche d’un travail, le Pôle Emploi refuse généralement de nous enregistrer sous notre identité de genre lorsqu’elle est différente de celle qui est mentionnée sur notre carte d’identité. De même le numéro de sécurité sociale d’origine sera pris comme référence pour les dossiers même si le prénom est modifié… Cela mène fréquemment à des situations de rupture de droits, de chômage.

Maintien dans l’emploi

Pour le maintien dans l’emploi, il est parfois difficile de faire admettre la situation aux employeurs privés. Sans obligation de respecter l’identité de genre, les circonstances basculent parfois dans le harcèlement moral : en obligeant la personne salariée à conserver des documents (cartes de visite, badges, adresse mail, papier à en-tête, etc.) devenus sans rapport avec la nouvelle apparence de la personne, le chef d’entreprise rend la situation professionnelle intenable et pousse les salariés à la démission.

Fonction publique

En ce qui concerne la fonction publique, les employé·e·s transgenres subissent souvent une mise à l’écart professionnelle et un harcèlement moral permanent. L’État rechigne de fait toute modification concernant les prénom d’usage et civilité sur tous les documents administratifs et refuse la mise en place de politiques d’inclusion en direction des personnes transgenres.

Les institutions peuvent, en adressant des courriers au domicile des fonctionnaires ou en communiquant leur identité administrative aux organisations syndicales à l’occasion des élections professionnelles, les exposer délibérément à la violation de leur vie privée.

 

 

Numéro de sécurité sociale

Sans changement d’état civil, il est impossible de changer son numéro de sécurité sociale. Cela expose la personne à un non-respect de sa vie privée dans la sphère médicale et des discriminations dans la recherche d’un emploi. Dans une activité professionnelle, il nous est souvent impossible de faire respecter la vie privée.

Études, examens et concours

Pour les personnes transgenres poursuivant leurs études et participant à des examens et concours, rien n’est adapté pour accepter leurs prénoms usuels. L’acceptation même d’écoliers transgenres est compliquée et souvent soumis à des demandes de preuves médico-psychiatriques.

Documents d'identité

Pour les personnes travailleuses du sexe et les réfugiés, ne pas avoir les bons papiers et des statuts protecteurs ne fait que multiplier leurs difficultés, les fragilisant encore plus face à l’exploitation et la clandestinité.

Déplacements, voyages

Enfin, nos déplacements sont limités car notre passeport dévoile notre transidentité nous exposant là encore à des discriminations, voire à des interdictions d’entrée dans certains pays, sans parler des risques physiques inhérents.

Dans toutes les situations de la vie quotidienne, nos droits fondamentaux ne sont pas respectés. Les plus défavorisés sont donc condamnés au chômage, aux aides sociales voir à la prostitution, surtout chez les jeunes rejetés par leurs familles.
Pour éviter cela, certaines personnes transgenres isolées et sans soutiens associatifs se résignent sans autres alternatives aux « parcours de soins » dégradants mis en place par le ministère de la santé, stérilisation chimique puis chirurgicale au bout d’un minimum d’une à deux années d’attente.

Mais il n’existe pas de fatalité pour la population transgenre. Lorsque l’on est bien conseillé·e, il est possible d’éviter les principaux écueils mis en place par la France, ses institutions et ses gouvernements successifs, en toute connaissance de cause. Non la diversité de genre n’est pas une maladie psychiatrique, ou autre, à soigner.

Au contraire, nous avons des qualités humaines et professionnelles indéniables qui ne doivent pas être gâchées par la transphobie d’État. Les institutions ne doivent pas conserver l’impunité de nous insulter, nous harceler et nous discriminer. Il faut les dénoncer systématiquement aux associations, au Défenseur des Droits, à la justice.