Faire respecter son identité de genre et vous défendre
Que ce soit sans modification d’état civil ou avec, vous pouvez avoir à faire face à des comportements transphobes. Cela peut être caractérisé par des actes de violences physiques, du harcèlement moral, de la discrimination, des refus de respecter votre identité de genre, des insultes et incivilités.
La législation actuelle inclut désormais des textes permettant de prendre en compte l’identité de genre comme motif aggravant de discrimination et de violence, permettant de vous défendre et de mettre fin à de telles situations. Ils sont récents, votés pour la plupart en 2016 et n’ont donc pas encore de jurisprudence solide construite. De plus les magistrats n’ont également que peu d’expérience sur ces textes. Il va donc falloir encore plus soigner les dossiers et bien expliquer les circonstances et enjeux.
Dans tous les cas, ne pensez pas que ce qui vous arrive est normal, que la ou les personnes qui vous portent préjudice sont ignorantes ou maladroites, excusant leurs comportements. N’attendez pas que la situation s’envenime en vous disant que « cela va passer », cela ne marche généralement pas !
Il faut agir rapidement pour éviter que cela dégénère, pour mettre au grand jour et prouver qu’il y a véritablement de la malveillance de la part des personnes concernées, pour accumuler un maximum de preuves qui serviront dans de futures démarches.
Une des premières réaction à avoir est celle de recueillir des preuves de ce que vous subissez. S'en priver rendra ensuite très difficile l'entame de vos démarches et l'obtention du gain de cause face aux préjudices subis.
Ainsi, tout de suite après les préjudices, tout d’abord rédiger vous-même un texte expliquant ce qui s'est passé et les personnes incriminées. Cela peut paraître anodin mais c’est en fait très important car souvent on agit plusieurs jours après les faits et il est alors difficile de se remémorer ce qui s’est passé avec précision. Faire votre propre témoignage est donc un réflexe plus qu’utile, surtout si les circonstances vous fragilisent émotionnellement.
Ensuite il peut être intéressant en fonction des circonstances de recueillir rapidement des témoignages de tierces personnes sur les faits (harcèlements, insultes, violences physiques, etc).
Dans certains cas, notamment lors de refus de prestations, de respect de civilité ou de prénom, il est utile de faire un courrier (charmant mais ferme pour montrer que vous n’êtes pas dans l’agressivité) envoyé en recommandé avec accusé de réception demandant des explications et le respect de vos droits. Ce courrier, à défaut d'obtenir satisfaction, sera un excellent point de départ pour prouver une discrimination ou pour responsabiliser une hiérarchie qui ferme les yeux (par complaisance ou lâcheté) sur un harcèlement moral ou physique.
Enfin vous pouvez aussi prendre des photos ou scanner des documents administratifs vous concernant et prouvant également la situation de transphobie.
Dans le cas ou la transphobie relève de discours de personnes isolées, leur expliquer tout simplement dans un premier temps pourquoi ses paroles vous blessent et sont insultantes. Cela peut suffire à mettre un terme à la situation. Le faire sans agressivité en présence d’autres personnes plus compréhensives et déjà sensibilisées permettront d’instaurer un rapport de force en votre faveur et d'isoler la ou les personnes ayant proféré les discours transphobes. Ces dernières seront d’autant plus illégitimes dans leurs attitudes.
Si cela se passe dans une institution, une entreprise ou en tant que client.e et que la transphobie persiste malgré une explication verbale, s’adresser alors à la personne hiérarchiquement responsable. Et si cela ne résout toujours pas la situation en votre faveur, l’écriture d’un courrier va devoir être nécessaire. Il permettra de formaliser factuellement la transphobie et également de demander des explications aux dirigeant.es ou administrateur.trices (directeur.trice, gestionnaire, DRH, etc.). Il sera important de rappeler les textes de loi mettant en avant la protection des personnes à raison de leur identité de genre. Cela ouvrira la possibilité d’avoir un recours à la justice ultérieurement...
Généralement cela permet de rétablir la situation. Mais on peut, en cas de difficultés, faire appel au Défenseur des Droits en faisant une saisine. Ce n’est pas une procédure en contentieux et ne nécessite donc pas d’avoir un avocat ni d’engager des frais (on peut faire des saisines en ligne sur le site internet https://www.defenseurdesdroits.fr/).
En entreprise, se rapprocher des syndicats et délégué.es du personnel lorsque cela est possible et si iels ont une approche respectueuse sur les questions de genre.
Malheureusement la transphobie peut persister et les personnes sensées vous défendre rester sourdes à vos démarches. Il faudra alors passer à l'étape supérieure : le dépôt de plainte. Mais ne pensez cependant pas que tout ce que vous avez fait auparavant n’a servi à rien. Le recueil de preuves, courriers divers, témoignages, démontreront la légitimité de votre démarche.
Un contentieux désigne une action juridique. Un contentieux est un litige ou un différent porté devant les tribunaux pour être tranché par un juge. C'est ainsi que l'on distingue la procédure "amiable" de la procédure « contentieuse ».
Cela se peut se formaliser à l'occasion :
- de violences et discriminations avec préjudice, par un dépôt de plainte dans un commissariat ou une gendarmerie. Pour informations, faire une main courante n’amène aucune suite judiciaire ni enquête mais provoque un antécédent qui pourra être pris en compte lors d'un futur dépôt de plainte.
Le dépôt de plainte peut aussi se faire auprès d’un avocat.
- lorsque l'on décide de contester une décision d'un organisme de la sécurité sociale, par une saisine de la commission de recours amiable pour une décision d'ordre administratif (https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/N561)
Attention !
Suite à la simplification de l'organisation judiciaire en matière de sécurité sociale du 24 oct. 2018, L'ordonnance n° 2018-358 du 16 mai 2018 réforme le contentieux social en fusionnant les tribunaux des affaires de la sécurité sociale et les tribunaux du contentieux de l'incapacité au sein d'un pôle social des tribunaux de grande instance (TGI).
Un décret détermine les conditions d'application de ces dispositions à partir du 1er janvier 2019.
- en cas de litiges avec un employeur, saisir le Conseil des Prud’hommes (https://www.saisirprudhommes.com/)
La démarche en contentieux nécessite parfois la mention encore en vigueur de votre état civil . Si vos mentions de prénoms et/ou de sexe à l'état civil ne sont pas encore modifiées pour refléter votre identité de genre, cela ne signifie pas pour autant une obligation de la part des administrations, avocat.es et autres acteurs concernés d’utiliser les mauvaises civilités et prénom.
Soyez vigilant.e en toutes circonstances lors des procédures et faire respecter vos civilités et prénoms n’est absolument pas illégal ! Nous rappelons au passage que la civilité ne fait pas partie de l’état civil et qu’elle n’est donc pas liée au prénom ou à la mention de sexe.
N’oubliez pas également que plus votre dossier contient de preuves et témoignages de la transphobie dans la durée, plus il sera facile d’obtenir satisfaction. D’où notre insistance pour vous sensibiliser afin d’avoir les bons réflexes lors des premières démarches.
Ayez un droit de regard sur les choix de votre avocat.e pour défendre votre dossier. Généralement iels sont mal informé.es sur les questions de genre et les subtilités que cela entraîne (par exemple, éviter toute pathologisation, psychiatrisation dans votre démarche !).
Enfin ne gérez pas votre contentieux seul.le. Un regard extérieur peut être d’une aide précieuse !
Autre point important, n’oubliez pas de préciser le motif de transphobie comme circonstance aggravante en invoquant notamment l’article 225-1 du Code pénal lors des dépôts de plainte et plaidoiries. L’identité de genre est reconnu dans plusieurs textes de loi en tant que motif de discrimination, pensez-y !
Afin de vos donner un ordre d’idée de l’inclusion de l’identité de genre dans le droit, voici une liste non exhaustive des textes qui peuvent être utilisés lors de vos démarches :
- Code pénal
- Article 132-77
- Article R625-7
- Article R625-8
- Article R625-8-1
- Article 225-1
- Article 222-13
- Article 226-19 - Code du travail
- Article L1132-1
- Article L1321-3 - Code du sport
- Article L332-18
- Article L332-19