Construire sa transition

Construire sa « transition »


Assumer son identité de genre n’est pas qu’une simple démarche individuelle, déconnectée des interactions avec le monde extérieur. Nos décisions impliquent des conséquences importantes vis-à-vis de l’entourage, au regard des liens sociaux du quotidien, personnels, professionnels ou scolaires.

En parallèle, les multiples facettes des transphobies sociétale et d’État rendent plus difficiles nos démarches pour faire reconnaître notre identité de genre, pour la vivre avec une garantie de protection suffisante, pour faire des études, trouver un travail, être parents ou futurs parents.

Face à cela, en tenant compte de tout ces paramètres, on se retrouve souvent à faire des choix, prendre des décisions, afin de limiter le plus possible nos difficultés afin de s’assumer et s’épanouir le plus sereinement possible. Des priorités sont alors parfois à définir !

Privilégier ses études, son travail, la famille, son indépendance, l’accès à des professionnels de santé, tout cela se décide de manière personnelle à raison de sa situation mais avec un maximum de cohérence dans une vision plus large de construction de son avenir : vivre son identité de genre ne se résume pas à accéder à un traitement hormonal, c’est se projeter dans le futur et avoir des projets au-delà de sa transidentité (notre vie ne se résume pas à notre genre, même si au début cela nous préoccupe beaucoup plus).

Car au cas ou vous ne le sauriez pas, être une personne transgenre c’est avant tout être une personne capable de développer ses compétences, ses sentiments et ses qualités pour réussir sa vie ! Pour cela, il est important d’avoir une stratégie réfléchie basée sur une autonomie de décisions : cette liberté ne va pas forcément de soi, elle se construit en évitant d’avoir les pieds et poings liés par des problèmes résultant de mauvaises décisions et qui vous empêcheront de choisir sereinement votre vie en limitant vos alternatives, consommant votre énergie, gâchant votre temps.

Clairement, on ne fait pas n’importe quoi quand on s’affirme en tant que personnes transgenres sous peine d’aggraver sa situation, parfois de manière dramatique : incapacité de se défendre face à de la transphobie, obligation de se retourner vers les équipes pluridisciplinaires transphobes, perte de son travail, arrêt des études, etc. Alors ayons les bon réflexes et ne tombons pas dans les œillères d’une « transition » menée à l’aveuglette, obnubilé par des adresses de médecins et psychiatres, oubliant tout le reste, c’est à dire ce qui va construire et forger votre avenir !

Vivre son genre ne fait pas disparaitre tous ses problèmes !

Construire sa transition c’est en premier lieu prendre en compte un paramètre important : assumer son genre ne résout aucun problème de la vie. Dans les faits, cela permet, une fois que vous êtes bien stabilisé.e et reconnu.e dans votre identité de genre, d’avoir, pour la plupart des personnes, un meilleur mental et une meilleur estime de soi pour affronter les difficultés que la vie met sur notre chemin.

Ainsi, par expérience, lorsqu’une personne transgenre a des problèmes personnels, familiaux, financiers et sociaux avant d’assumer son genre revendiqué, ces problèmes ne disparaissent pas comme par enchantement ensuite. Si ils ne sont pas résolus à temps, ils deviennent même souvent des obstacles à l’épanouissement de la personne, obstacle à une liberté de gestion de sa « transition ».

Au préalable, penser à gérer son couple et ses enfants, trouver des soutiens familiaux, avoir une activité professionnelle, s’informer et rencontrer d’autres personnes au sein d’associations, prendre soin de sa santé permettent la plupart du temps d’éviter de se trouver dans des impasses sociales d’où il faut beaucoup de temps pour en sortir. Prendre un peu de temps de réflexion pour construire sa transition peut vraiment changer la donne !

Établir un plan d’action

Ici point de plan miracle à la clé. Mais nous vous invitons à réfléchir sur ce qui est important et vital pour vous, tout d’abord à court terme, puis ensuite à moyen et long terme. Sachant que chaque personne a des situations différentes, il est bien évident que les plans d’action pour assumer son identité de genre seront eux aussi différents. L’âge, les situations maritales et professionnelles, les cursus d’études, l’activité professionnelle, l’état de santé, les projets parentaux, etc. sont autant de paramètres qui vont influer sur la manière d’assumer son genre et son timing.

C’est pour cela qu’il est essentiel de mettre en place les différents temps de votre « transition » que peuvent être : les coming out, les traitements hormonaux et autres actes de santé, les modifications de l’état civil. Toutes ces actions nécessitent un laps de temps plus ou moins important, des délais plus ou moins incompressibles, des capacité financières plus ou moins importantes. Tout en gardant en mémoire que la priorité est avant tout de se protéger et de ne pas se mettre en situation de fragilité sociale ou de l’aggraver.

Se rapprocher des associations

On ne le dira jamais assez, la question de l’information sur les différentes démarches à effectuer est cruciale. Si beaucoup de réponses peuvent être trouvées sur les réseaux sociaux, on peut y voir tout et son contraire, et pas forcément, non plus, des réponses adaptées à la situation et la personnalité de la personne transgenre.

Réfléchir et trouver la meilleure solution nécessite souvent la rencontre et la confrontation avec d’autres personnes ayant vécu des expériences similaires, confrontées aux problèmes qui surviennent inéluctablement lorsque l’on vit sa transidentité. Même si leurs vécus ne correspondent pas en tous points au vôtre, cela vous permettra de vous faire une idée de la réalité. Se confronter à la diversité des manières de vivre son identité de genre est aussi très utile pour se construire soi-même en offrant plus de possibilités et de réalités. Généralement les associations transgenres engrangent une masse d’expérience qui ne demande qu’à être partagée ! Pourquoi s’en priver ?

En couple, avec ou sans enfants : clarifier la situation

Autre point important est celui de mettre à plat les situations familiales lorsque l’on vit en couple et/ou que l’on a des enfants. En effet il n’y a pas plus dévastateur que rajouter un conflit entre les membres du couple avec, au milieu, des enfants que les parents tentent parfois d’influencer, voire parfois manipulent quand on parle du ou de la conjointe. Situations de divorce, de séparation, gestion des biens communs, garde des enfants, tous ces enjeux peuvent vite mener à des pièges compliquant grandement une démarche pour assumer son identité de genre.

Assumer son genre amène à devoir se battre pour ses droits, sa reconnaissance. Devoir mener de front une possible séparation conflictuelle avec pour enjeux garde et visite des enfants n’est pas vraiment à conseiller, surtout lorsque cela va jusqu’en justice.

Il est donc préférable d’en discuter au préalable avant d’entamer toute ses démarche liées à la transidentité. Si le ou la partenaire peut accepter de rester en couple, tant mieux. Mais il ou elle est en droit de vouloir se séparer. Prévoir ce type de situations en amont permet de mieux les gérer ensuite.

Un bon timing pour ses études

Autre point à gérer est celui des études. Veut-on les poursuivre ? Les arrêter et trouver un travail pour être autonome financièrement ? A quel moment je peux faire changer mon état civil pour avoir les bonnes mention sur mes diplômes et trouver plus facilement un poste ? Suis-je en capacité d’arrêter mes études ou est-ce possible d’assumer mon genre en même temps dans les établissements scolaires, universités et grandes écoles ?

A toutes ces questions, vous aller être amené à choisir la solution qui va vous convenir en fonction de votre manière d’appréhender votre avenir. Être une personne transgenre ne veut pas dire systématiquement abandonner ses études pendant plusieurs années, voir définitivement, au contraire ! Gérer la période ou l’on assume enfin son identité de genre tout en continuant ses études est possible. A vous donc de choisir le meilleur moment et de vous entourer d’un maximum de soutiens en cas de difficultés !

Avoir une activité professionnelle

Être transgenre et gérer une activité professionnelle lorsque l’on décide d’assumer son identité de genre n’est pas une mince affaire, mais pas mission impossible comme c’était généralement le cas plusieurs années auparavant. Et là aussi des choix peuvent être fait en fonction des priorités.

Est-ce indispensable d’avoir cette activité pour avoir des ressources financières ? En ce cas, avoir une réflexion aboutie pour trouver des soutiens dans l’institution ou l’entreprise, se rapprocher de syndicats ouverts sur les questions LGBTI+, se renseigner sur les textes anti-discriminations, privilégier les modifications de l’état civil permettant d’avoir une protection et une reconnaissance légale de son genre.

Votre travail ne correspond pas à votre avenir professionnel, l’ambiance ne vous permettra pas de vivre votre genre avec un minimum de garantie de respect, et vous ne vous sentez pas prêt.e à affronter les difficultés et perdre du temps.

Alors peut-être réfléchir en amont à changer d’activité tout en ne vous mettant pas en fragilité financière et sociale. Sachez tout de même que sans changement d’état civil, il devient plus compliqué de trouver une autre activité professionnelle.

L’important quelle que soit la situation est de toujours avoir la main sur votre liberté d’action que ce soit pour conserver votre travail ou pour en trouver un autre ou une nouvelle formation.

Comme vous le voyez, votre stratégie pour assumer votre genre peut être très diverse, mais à partir du moment ou l’on connaît objectifs et impératifs, il est plus simple de trouver le meilleur comportement à avoir face à la transphobie du milieu du travail ou de la recherche d’emploi. Il existe des moyens de conserver son emploi et de trouver un travail. Reste à savoir à quel niveau vous fixez le degré de respect de votre identité de genre au sein de l’entreprise ou de l’institution, votre capacité à gérer un conflit pour garantir ce respect, l’urgence d’avoir un revenu pour vivre.