On ne peut encenser l’Union Européenne et, en même temps, refuser d’en appliquer les résolutions !
En 2015, le Conseil de l’Europe a voté la résolution 2048 (2015) donnant des recommandations claires et précises aux États membres afin de respecter les droits des personnes transgenres. Depuis, la France, via ses gouvernements successifs, répugne à les appliquer, préférant privilégier la transphobie des lobbies catholiques et conservateurs.
D’aucun diront qu’une loi spécifique sur le changement de la mention de sexe à l’état civil a pourtant été votée en 2016… Sauf qu’elle ne respecte absolument pas la résolution du Conseil de l’Europe – et encore moins les revendications du mouvement associatif transgenre ! Pire, en totale contradiction avec la nouvelle loi, le ministère public, c’est-à-dire l’État lui même, demande des pièces médicales dans certains Tribunaux de Grande Instance ! La nouvelle procédure est ainsi non seulement judiciarisée, mais toujours médicalisée, non fondée sur l’autodétermination et sous condition d’âge.
Autre exemple flagrant, l’accès à la santé des personnes transgenres est toujours soumis à des prérequis psychiatrisant (non la transidentité n’est toujours pas dépsychiatrisée !), pathologiques et maltraitants, en totale contradiction avec la résolution 2048 – et ne respectant même pas le droit français sur le libre choix des praticiens.
Ces deux exemples, parmi bien d’autres, montrent l’ambiguïté, pour ne pas dire l’hypocrisie de nos gouvernants qui sautent comme des cabris en clamant « l’Europe, l’Europe, l’Europe », et qui, en même temps, en ignorent sciemment les textes ! Il serait vraiment temps que cette vieille manière de faire de la politique, sans courage ni convictions, cesse. Aussi demandons-nous au gouvernement actuel et à sa majorité de prendre leurs responsabilités, d’écouter les revendications des associations transgenres, et d’appliquer dans sa totalité la résolution 2048 (2015) du Conseil de l’Europe, en permettant notamment, de toute urgence :
- de modifier la loi sur le changement de la mention de sexe à l’état civil en mettant en place une procédure libre et gratuite en mairie, auprès d’un officier d’état civil, basée sur l’autodétermination et sans condition d’âge ;
- de mettre fin à la psychiatrisation et à la pathologisation de la santé des personnes transgenres, organisée par les autorités médicales, les Caisses d’assurances maladie et les Agence régionales de santé ;
- d’apporter une protection effective contre les discriminations fondées sur l’identité de genre en matière d’accès à l’emploi, tant dans le secteur privé que public, en matière d’accès au logement, à la justice et aux soins de santé ;
- à rendre accessible traitements hormonaux et actes chirurgicaux, et en garantir le remboursement par le régime d’assurance maladie, c’est-à-dire sans obligation de passer par des équipes hospitalières pluridisciplinaires niant le droit au libre choix du praticien pourtant garanti par la loi ;
- lutter contre les discriminations fondées sur l’identité de genre au moyen de l’éducation aux droits de l’homme, de programmes de formation, et de campagnes de sensibilisation.Ces mesures de bon sens ne sont pas exhaustives, et doivent s’inscrire dans une politique globale, assumée, de respect des droits des personnes transgenres, y compris envers les plus fragilisées comme les travailleurs et les travailleuses du sexe, les réfugié•e•s, les personnes incarcérées.
Monsieur le Président de la République, mesdames et messieurs les députés de la majorité, vous qui vous parez en cette période électorale du drapeau européen, il serait temps de vous en montrer digne, de forcer le pas, et d’agir rapidement – car jusqu’ici on est bien loin du compte. Ce serait, en cette Journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie (IDAHOT), et à la veille des élections européennes, un beau message contre la haine et les violences à raison de l’identité de genre, en France mais aussi partout en Europe !
Pour l’Association Nationale Transgenre,
Delphine Ravisé-Giard
Présidente