Communiqué de presse du 31 mars 2017

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À l’image du gouvernement, un décret sans courage ni ambition : la transphobie d’État est toujours à l’œuvre !


Adopté définitivement le 18 novembre 2016, un article de la loi « Justice du 21ème siècle » instaure une nouvelle procédure de changement de sexe à l’état civil. Censée s’appuyer sur les nouveaux standards concernant les droits humains des personnes transgenres promus depuis 2015 par le Conseil de l’Europe avec la Résolution 2048, elle n’atteint pas malheureusement cet objectif.

Procédure judiciaire et non déclarative, via un Tribunal de Grande Instance, jugeant sur l’apport de “preuves” sans limites clairement fixées, la loi n’offre à l’évidence aucune sécurité juridique : on est donc très loin d’une avancée courageuse et volontariste de la part du gouvernement. Le décret d’application dévoilé ce vendredi 31 mars, journée internationale de la visibilité des personnes transgenres, grave désormais dans le Code civil la sous-citoyenneté des personnes transgenres. Certes, l’abominable exigence de stérilisation imposée jusqu’ici par les tribunaux n’est plus d’actualité, mais la contre-partie est faramineuse !

La judiciarisation est évidente, avec une délibération en Chambre des Conseils après avis du ministère public pour déterminer si la personne est “éligible”, ou pas, au changement de la mention de sexe à l’état civil. Et si l’aide d’un avocat est donnée comme non obligatoire, il semble pour le moins évident que son aide serait bien utile au vu du flou des prérequis exigés par la loi.

Quand à la démédicalisation de la procédure, elle est loin d’être acquise. Le décret d’application, comme la loi, n’interdit aucunement la fourniture d’éléments médicaux au juge. Ainsi, les attestations des médecins (psychiatres, chirurgiens, etc.) seront à n’en point douter reçues avec bienveillance par les magistrats, et pèseront de tout leur poids dans la balance ! Pour avoir l’assurance d’obtenir leur changement d’état civil le plus rapidement possible, les personnes transgenres seront évidemment tentées de « médicaliser » elles-mêmes leur dossier pour mettre toutes les chances de leur côté ! Lorsqu’il faut trouver du travail, continuer les études, améliorer sa sécurité, toute attestation est la bienvenue… La démédicalisation tant vantée par le gouvernement, et les députés PS Erwan Binet et Michèle Crozon, n’est qu’un leurre de communication bien cynique.

Le décret d’application nouvellement publié ne change donc rien aux failles de la nouvelle loi. L’arbitraire à l’encontre des personnes transgenres restera la règle au sein des TGI et des Cours d’appel de la République : médicalisation rampante, inégalités de traitement en fonction des tribunaux, stéréotypes de genre, etc. Pourtant Malte, le Danemark, l’Irlande, la Norvège, pour ne parler que des pays européens, ont montré l’exemple en prônant l’auto-détermination, et en mettant en place des procédures déjudiciarisées et totalement démédicalisées… Le gouvernement français a fait un autre choix, malgré les avertissements des associations transgenres et LGBT, parmi lesquelles l’Association Nationale Transgenre.

Pour ne pas “humilier” la minorité virulente, homophobe, transphobe et sexiste de la « Manif pour tous », et son excroissance réactionnaire « Sens Commun », le gouvernement et ses parlementaires les plus zélés se sont toujours opposés publiquement au changement d’état civil libre et gratuit en mairie, la caractérisant dédaigneusement de « loi militante » ! On appréciera ce qualificatif à la veille d’élections nationales importantes… Le groupe parlementaire PS est allé jusqu’à voter à l’Assemblée Nationale avec les représentants de la droite réactionnaire « anti-mariage pour tous »… contre le droit à l’autodétermination des personnes transgenres ! Une union bien singulière, mais hélas efficace lorsqu’il s’agit de refuser des droits légitimes à une partie de la population…

Maintenant, et dans les années qui viennent, il s’agira pour nous de continuer notre travail de conseil et d’information des personnes transgenres qui désirent changer la mention de sexe à l’état civil afin de leur éviter des déconvenues face aux Tribunaux. En parallèle, seront menées les actions nécessaires afin de modifier cette nouvelle législation, anachronique et rétrograde, pour que notre pays respecte enfin les droits humains des personnes transgenres en mettant en place le changement d’état civil libre et gratuit en mairie, réellement démédicalisé et déjudiciarisé.

Les instances Européennes seront de toute évidence sollicitées pour mettre la France face à ses incohérences et à son hypocrisie. Il y est certes mis fin à l’obligation de stérilisation des personnes transgenres, mais le gouvernement ne l’a remis en cause, sans grande conviction et en fin de mandat, que par peur d’être condamné par la Cour européenne des droits de l’homme ! Face à ce rendez-vous raté avec l’histoire LGBT de la part de nos gouvernants, nous opposons notre détermination militante pour que notre pays entre enfin réellement dans le 21ème siècle, en garantissant en toutes circonstances le droit à l’autodétermination des personnes transgenres.

Ce 31 mars 2017, journée internationale dédiée à la visibilité des personnes transgenres, population ballottée entre fausse démédicalisation et vraie pathologisation de la diversité toujours effective, nous laisse un fort arrière-goût d’amertume et d’espoirs déçus.

Lien vers l’article Code Civil – Section 2 bis : De la modification de la mention du sexe à l’état civil

Lien vers le décret n° 2017-450 du 29 mars 2017 relatif aux procédures de changement de prénom et de modification de la mention du sexe à l’état civil

Pour l’Association Nationale Transgenre,
Delphine Ravisé-Giard
Présidente

Mail : [email protected]
Mobile : +33 (0)6 11 63 48 00
Site Internet : ant-france.eu


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