Communiqué de presse du 26 juin 2016

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Changement d’état civil des personnes transgenres, le Défenseur des droits dit « oui » à l’autodétermination auprès d’un officier d’état civil


Ce 24 juin 2016 le Défenseur des droits vient de rendre publique une décision cadre relative à la modification de la mention de sexe à l’état civil. Elle ne pouvait pas mieux tomber au moment où l’article 18 quater du projet de loi du gouvernement tente d’imposer une procédure médicalisée et judiciarisée dans le code civil et ce à la veille de la condamnation probable de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

Le Défenseur des droits, première Institution en France à s’inscrire dans le respect des droits humains du 21ème siècle !

Depuis 1992 le changement d’état civil des personnes transgenres est sévèrement encadré par une jurisprudence de la Cour de cassation reposant principalement sur le principe de l’irréversibilité des modifications corporelles (stérilisation) et le diagnostic du pseudo « syndrome du transsexualisme » . Ces conditions ont été réaffirmées dans des arrêts de Cour de cassation en 2012 et 2013 et sont désormais requises par la plupart des Tribunaux de Grande Instance. Ce système permet ainsi aux gouvernements successifs de faire porter le poids du non respect des droits humains et de la stérilisation des personnes transgenres sur les médecins et les magistrats…

En 2013, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) avait rendu un avis sur cette situation en jugeant ainsi la jurisprudence actuelle : elle « peut être considérée comme stigmatisante, si ce n’est discriminante à l’égard des personnes transidentitaires ». En conséquence la CNCDH recommandait une démédicalisation complète de la procédure mais en maintenant une judiciarisation pour des raisons de « forte importance symbolique dans la tradition républicaine française ». Cette position était une avancée importante mais ne donnait pas une solution pérenne et efficiente pour résoudre les problèmes de droits humains des personnes transgenres puisque fondée sur une procédure d’homologation auprès d’un juge du siège.

Afin de se protéger de la condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, annoncée et redoutée par les députés PS auteurs de l’amendement 282 initial, le gouvernement tente de légiférer sur le changement de la mention de sexe à l’état civil en incluant un article dans le projet de loi relative à la Justice du 21ème siècle. Initié par les députés PS Erwann Binet et Pascale Crozon, avec l’aval du gouvernement, ce texte est malheureusement transphobe. En effet, il maintient la médicalisation et la judiciarisation, faisant entrer dans le code civil les stéréotypes de masculinité et féminité requis auxquels devrait se soumettre la population transgenre (la lutte contre le sexisme étant alors bien fragilisée!). La loi proposée, de par le flou de sa rédaction, va en fin de compte obliger les magistrats comme en 1992, à construire une jurisprudence nouvelle, et faire le travail de mise en oeuvre de la transphobie d’État à la place du législateur…

Le Défenseur des droits, sensibilisé par les associations transgenres et leurs soutiens défendant le changement d’état civil libre et gratuit au sein du Comité d’entente LGBT, a donc rendu le fruit de ses réflexions à travers un travail analytique et historique remarquable. Mettant en avant les dernières avancées dans les législations des pays comme le Danemark, Malte ou l’Irlande, il souligne les faiblesses du projet de loi actuel du gouvernement. Il observe avec justesse que la procédure envisagée nécessiterait de la part de la personne de convenir à des critères d’ordre sociaux et médicaux soumis à l’appréciation par définition variable d’un juge. De même il rejette l’argument juridique tenu pour refuser la totale démédicalisation et déjudiciarisation d’une telle procédure : l’indisponibilité de l’état (l’immutabilité) n’est pas un obstacle puisque n’étant pas un principe absolu à respecter par le législateur.

Aussi le Défenseur des droits, s’appuyant sur de nombreux textes européens et en particulier la résolution 2048 du Conseil de l’Europe, recommande au gouvernement de mettre en place une procédure de changement d’état civil « déclarative rapide et transparente auprès de l’officier d’état civil ». Il n’en oublie pas non plus les questions devant trouver réponse qui en découle, que sont la rétroactivité, le délai, la prise en compte des personnes mineures, les conséquences en matière de filiation.

L’Association Nationale Transgenre se réjouit de cette prise de position sans ambiguité, et soutien cette position courageuse du Défenseur des droits, en cohérence avec le sens de l’histoire concernant les avancées des droits humains, et prenant réellement en compte les difficultés et discriminations auxquelles font face les personnes transgenres.

Portée par l’ensemble du mouvement LGBT, hormis l’Inter-LGBT qui s’obstine à combattre ce mot d’ordre, le changement d’état civil libre et gratuit, fondé sur l’autodétermination est bien la seule procédure totalement respectueuse des droits fondamentaux des personnes transgenres. Le gouvernement et sa majorité, ainsi que l’ensemble des parlementaires progressistes ne doivent pas rester sourds à de telles injonctions. Le retrait de l’article 18 quater s’impose afin de la remplacer au plus vite par un texte de loi concrétisant la recommandation du Défenseur des droits.

Pour l’Association Nationale Transgenre,
Delphine Ravisé-Giard
Présidente

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Mobile : +33 (0)6 11 63 48 00
Site Internet : ant-france.eu


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